La Tragédie de la Mine, les idéaux d’entre-deux guerres

Sorti en 1931, Kameradschaft (La Tragédie de la Mine en France) est un film franco-allemand réalisé par Georg Wilhelm Pabst s’inspirant de la Catastrophe de Courrières (1099 morts en 1906 après une explosion dans la mine de la Compagnie de Courrières) pour créer une œuvre originale située dans l’Est à la frontière entre l’Allemagne et la France. Alors que les mineurs descendent pour travailler, un incendie se déclare dans les galeries françaises. Malgré tout les efforts de murs de barrages, ceux ci sont percés par une explosion relâchant du grisou, causant l’explosion et l’effondrement de la mine. C’est alors qu’une opération de sauvetage est entreprise pour aller rechercher les mineurs pris au piège.

Des membres de l’équipe de sauvetage française en action

Le film s’inscrit tout à fait dans son époque. En effet, alors que la crise frappe la même année en Allemagne (1931), le nationalisme commence à monter en Europe. Ici l’amitié Franco-Allemande est vue comme une nécessité pour éviter de revivre des événements aussi tragiques que la Première Guerre mondiale, datant d’il y a seulement une quinzaine d’années. C’est en partie pour cela que Wittkopp, un mineur allemand, s’acharne à convaincre ses compatriotes de monter une équipe pour secourir leurs collègues français, malgré les réticences de beaucoup d’entre eux. La coopération Franco-Allemande évoquée est alors quelque peu avant-gardiste pour l’époque: “Le charbon appartient à tout le monde, peu importe les frontières” déclare un des français à la fin de l’œuvre. 20 ans plus tard la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) sera créée, supprimant les frontières pour le partage de ces deux ressources. Mais il s’inscrit également dans son époque alors éprise de mouvements communistes en parallèle à des mouvements nationalistes, “un mineur est un mineur”, les prolétaires des pays doivent s’unir pour pouvoir survivre.

La paix est également un message fort, notamment par des plans très symboliques comme celui de la “poignée de main” visible sur l’affiche néerlandaise du film. En effet cette scène est mise en évidence par un plan long sur cette poignée de main entre un sauveteur allemand et son camarade français piégé. Des mineurs allemands se décident également à briser la grille servant de frontière “Frontière 1919/Grenze 1919” faisant écho au traité de Versailles rendant l’Alsace-Moselle à la France. Ils passent ainsi la frontière en la brisant matériellement et symboliquement. Ils aident deux français à sortir malgré la barrière de la langue en aidant les chercheurs à les retrouver. C’est donc également cette symbolique de paix et de suppression des frontières entre les peuples qui est une des thématiques du film. On peut également y voir un signe prémonitoire de l’espace Schengen, 50 ans plus tard.

Affiche Néerlandaise du film présentant la scène de la poignée de main

Malgré tout, le film met en garde: les pays peuvent et doivent s’unir et des catastrophes comme celles-ci montrent que la coopération est nécessaire. Cependant dès les événements rentrés dans l’ordre, l’administration condamne les trois mêmes mineurs allemands à reconstruire la barrière frontalière, divisant à nouveau les pays et les peuples. Les événements au tout début du film sont également révélateurs de la montée nationaliste “Un Allemand boit de la bière allemande” s’offusquera un mineur allemand. La réaction des mineurs à la catastrophe est humaniste. Mais dès lors que la détresse est passée, l’administration reprend le dessus, imposant une séparation, qui prend alors un aspect contre-nature. Le film affiche clairement son orientation politique : par la fiction, il expose les principaux idéaux communistes par l’unité des travailleurs, et anarchistes dans la suppression des frontières, et s’inscrit parfaitement dans la thématique En Route vers la Paix de l’Arras Film Festival.

Les trois mineurs ayant détruit la frontière et qui la reconstruiront ensuite arrivant dans la partie française de la mine.

Ce film, même s’il date de 1931 à toujours une résonance aujourd’hui. Alors qu’il y a une montée des nationalismes partout dans le monde, lors de tragédies comme des catastrophes naturelles, les pays et les peuples s’entraident pour sauver des personnes qui restent des humains, peu importe leurs origines.

 

Par Maxence Delacroix et Maxence Jeanjean