Arras Film Festival 2019 : entretien avec Charlotte Lipinska, « Une critique n’est jamais objective »

A la sortie du dernier film de la Compétition européenne, Charlotte Lipinska, journaliste et critique de cinéma, s’est confiée sur son expérience de membre du jury Presse au Arras Film Festival.

Depuis combien de temps venez-vous en tant que membre du jury au Arras Film Festival ?

 » Je viens ici depuis longtemps, je suis venue au moins cinq ou six fois. Je viens donc depuis une petite quinzaine d’années. « 

Qu’aimez vous dans la critique de films ?

 » Juger des films, c’est mon métier, mon quotidien. On ne leur donne pas toujours des prix. A Arras, j’ai le plaisir de venir à la compétition car je vais voir des films que nous n’avons jamais vus ailleurs et qui n’ont pas de distributeurs. Nous sommes aux premières loges des premières projections d’un film, ce qui est très émouvant. Le nombre de films est aussi restreint, il n’y a qu’une petite dizaine de films en compétition, ce qui est un rythme agréable à faire en quatre jours. « 

Qu’est-ce que la compétition apporte à un festival comme celui d’Arras, selon vous ?

 » Le choix d’Eric et Nadia de prendre des films qui n’ont pas de distributeurs est important car pour les films primés, cela va leur donner de la visibilité et les aider à trouver un distributeur. Il s’agit donc d’une vraie aide. La plupart des festivals choisissent des films qui vont aller dans d’autres festivals, alors qu’à Arras, ce sont des premières, deuxièmes ou troisièmes projections. « 

Personnellement, qu’est-ce que cela vous apporte ?

 » Dans tous les festivals, les films que l’on voit, on ne les a jamais vus. Arras n’est donc pas différent mais il y a un prisme fort sur l’Europe de l’Est. C’est une cinématographie que j’aime beaucoup. Philippe Rouyer est compétent dans le cinéma de genre, moi je ne me sens pas du tout à l’aise là-dedans, je n’aime pas ça. En revanche, je suis plus sensible aux films d’auteur et donc au festival d’Arras. « 

Sur quels critères basez-vous vos critiques ?

 » On peut juger un film selon des tas de critères. La qualité de la mise en scène, le jeu des comédiens, la construction de l’histoire, l’utilisation de la musique et le sujet traité influent ma décision. Quels sujets ce film abordent-ils ? Qu’est-ce qu’il raconte de notre époque ? Parfois, j’apprends des choses dans certains films. Le sujet est très important. S’il s’agit de la 48e comédie romantique, cela n’apporte pas grand chose alors que d’autres créations traitent de sujets peu abordés.

Pour la critique, la vraie question est celle de la croyance ou non de la subjectivité. Est-ce qu’une critique est objective ? Personnellement, je ne pense pas. Je ne détiens pas la vérité sur un film par rapport à mon voisin. Ici, le rôle du journaliste est d’analyser et de transmettre des émotions.

Notre regard est forcément teinté de notre vécu, de nos expériences personnelles. Dans un film où il est question d’un divorce, un enfant dont les parents sont divorcés sera beaucoup plus touché qu’un autre enfant qui vit avec des parents encore amoureux. Cela fait écho à l’histoire du spectateur, de sa culture et de son milieu social.

Souvent, c’est intéressant de débattre avec une personne qui n’a pas la même opinion que soi à la sortie du film. Les films sont parfois très clivants, mais qui a raison à la fin ? Personne ! « 

Quels sujets aimez-vous au cinéma ?

 » Le sujet est très important mais l’émotion qui s’en dégage aussi. Je peux voir un film qui m’intéresse intellectuellement et le trouver mauvais car il est mal mené, ce qui fait que je n’ai pas d’émotion. J’essaye d’analyser pourquoi.

Je suis très curieuse, donc tous les sujets m’intéressent mais ils me passionnent d’autant plus lorsque le thème abordé est nouveau. « 

Vous voyez en fonction du film, vous vous laissez transporter ?

 » Oui, en effet, il y a cela d’une part, mais il y a aussi le moment où tu vois le film. Si tu vas au cinéma alors que tout va bien dans ta vie, tu seras plus apte à l’apprécier, alors qu’à l’inverse, le film peut te déplaire si ton état émotionnel est mauvais.

Il faut aussi savoir trouver une bonne distance avec le film mais une proximité nécessaire aussi concernant nos expériences. « 

Thibault Linard


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