Le premier film des réalisateurs belges Sabine Lubbe Bakker et Niels van Koevorden est basé sur le roman à succès de Griet Op De Beeck. Il raconte l’histoire de Mona, qui grandit dans l’ombre des gens qu’elle aime, condamnée par sa gentillesse et son souci des autres.
Une narration sur une vie entière, des personnages qui nous ressemblent avec en tête Mona, une jeune femme qui cherche sa place dans sa famille et dans sa vie, une palette de couleurs qui vogue entre le très clair et le sombre, une petite musique de Noël qui revient en boucle, mais surtout une tension familiale qui monte, progressivement, jusqu’à son apogée finale… Becoming Mona, le nouveau et premier film des réalisateurs belges Sabine Lubbe Bakker et Niels van Koevorden, en dit long sur la charge mentale et sur les réflexes pris dès l’enfance, qui surgissent tout au long de l’existence. Un film remarquable qui, à l’image de Mona, montre les gens comme ils sont : “juste humains.”
Un film près des corps et de ses personnages
Pour laisser transparaître cette humanité justement, les réalisateurs ont pris le parti de filmer les acteurs et actrices à leur niveau : lors de l’enfance de Mona, la caméra suit majoritairement cette famille d’après le regard de l’enfant, s’y adapte, se met à sa taille, grandira par la suite, avec le personnage. Le film entretient une grande proximité avec les corps, les tissus, sur lesquels on peut apercevoir les plis, les peluches, les premières rides sur la peau, ses craquelures. Film des corps donc, qui les montre parfois encombrant, trop gros, trop resserré sur soi, qui entrave, à l’image de la relation entre Mona et sa belle-mère, qui apparaît comme une figure double, familière et étrangère. Les bruits de la vie quotidienne, qui nous entourent, achèvent de nous faire pénétrer à l’intérieur de la perception du monde de Mona et nous permettent d’adhérer complètement à ses ressentis.
La pression de la charge mentale dès l’enfance
Cette réalisation proche de son actrice permet de ressentir d’autant plus tout le poids de la charge mentale qui pèse de plus en plus sur les épaules de Mona. Thème central du film, elle s’illustre à travers une femme qui a appris dès son enfance à réfréner ses émotions pour rester à l’écoute de tous, et surtout de sa belle-mère. Le film enfonce le personnage progressivement dans ses barrières émotionnelles, dans un masque de neutralité et de fragilité, jusqu’à la toute fin : elle cherchera tout le temps à satisfaire ceux qu’elles aiment, à les supporter, sans se soucier une seule fois de ce qu’elle-même peut ressentir.
Un rythme cyclique qui enferme Mona
Et c’est tout l’intérêt de suivre cette femme depuis son enfance jusqu’à sa trentaine, environ : le film illustre parfaitement les conséquences de réflexes adoptés tôt sur la vie d’une adulte. C’est d’ailleurs ce motif en aller-retour qui s’impose : divisé en trois parties, chacune achevée par la même joyeuse chanson de Noël, le film impose un rythme cyclique aux spectateurs, de même que les réactions de Mona dans le film sont des répétitions, des échos de ce qu’elle a déjà ressenti et vécu plus tôt, face à des accusations répétées par sa famille. Ainsi, Mona se retrouve prise au piège, enfermée dans son caractère trop doux, trop gentil, et dans des schémas toxiques qui la rendent de plus en plus vulnérable, la privant de son propre épanouissement tandis qu’elle œuvre à celui des autres.
Voilà donc pour Becoming Mona, que nous ne pouvons que grandement vous conseiller : bouleversant et touchant, le drame familial prend des allures de films de Thomas Vinterberg, notamment dans son travail avec Festen, et promet de prochains grands films pour ces deux réalisateurs.
Charlotte SILES et Inès CORVAISIER