
L’affiche du film à Cannes.
Sorti en 2021, et montré pour la première fois au Festival de Cannes, le film du réalisateur hongrois Kornel Mundruczo nous livre trois portraits très forts d’une famille d’origine juive vivant à Budapest et à Berlin et qui a du mal à panser les blessures de son histoire.
L’actrice Lili Monori y interprète Eva, la grand-mère, rescapée d’Auschwitz où elle est née. Annamaria Lang joue Lena, sa fille, elle-même maman de Joris, pré ado dans le Berlin d’aujourd’hui. En trois actes, « Evolution » montre les difficultés de ces trois générations à vivre leur identité juive dans la Hongrie et dans l’Allemagne contemporaines.
A ne pas rater, les premières minutes du film restituent l’univers concentrationnaire. La scène qui se déroule sous nos yeux et qui constitue la première partie est glaçante. Le spectateur y partage l’effroi et l’anxiété des protagonistes. Jusqu’au moment où un cri de vie surgit dans ce lieu souterrain où la mort a été donnée en masse.

Eva et Léna, dans l’appartement de Budapest
La deuxième partie est un face à face entre deux générations : une mère et une fille, Eva et Lena. La première est une vieille dame malade dont on comprend qu’elle a été écrivaine. En visite chez elle, sa fille vient récupérer un certificat de naissance qui permettrait à sa mère d’obtenir des indemnités. Un long et difficile dialogue s’amorce, durant lequel la rescapée des camps de la mort livre des bribes de son passé, de celui de ses parents. On comprend la difficulté de cette famille à se réinsérer dans la société, sa difficulté à assumer une identité : sont-ils Hongrois, Juifs ou Allemands ? Quelle langue doivent-ils parler en public ? Ce deuxième volet se termine par une scène de déluge au sein même de l’appartement d’Eva. L’eau qui s’y déverse vient emporter et comme effacer à jamais des traces d’histoire : livres, photos et papiers de famille.

Berlin : premier flirt pour Joris
Dans le troisième volet de ce récit poignant qui relie le passé au présent, c’est le feu et non plus l’eau qui est au cœur de l’entrée en scène du jeune Joris, joué par Goya Rego. Dans l’école où il est quotidiennement chahuté et moqué, victime d’un racisme latent, Joris va être accusé d’avoir mis le feu. Sa mère cherche des explications… Le garçon qui a beaucoup de mal à assumer son identité juive, trouve du réconfort et son premier flirt en la personne d’une camarade originaire du Proche-Orient. Il y a encore bien des tourments mais aussi de la joie, de la tendresse et de l’insouciance dans cette dernière partie. La scène finale ? Elle se veut une note d’espérance et apaise le spectateur. Un contraste évident avec le choc des premières minutes.
Un film puissant qui ne traite pas comme les autres la question de l’héritage de l’Holocauste. A voir absolument.
Ch. D.