Hier soir, le réalisateur Rachid Hami, accompagné de l’acteur principal Karim Leklou, était présent au Casino 2 pour la projection de son deuxième long-métrage « Pour la France ». L’occasion pour les deux artistes de rencontrer leur public arrageois…

Dès le générique, les applaudissements résonnent dans la salle du Casino pour ce film qui conte l’histoire d’Ismaël et Aïssa, deux frères ayant immigré de l’Algérie à la France avec leur mère. Plus tard, Aïssa trouve la mort lors d’un bahutage non-contrôlé à l’école militaire de Saint-Cyr. Le long-métrage aborde alors, à l’aide de flashbacks, l’odyssée frappante d’une fratrie, de Paris à Taipei, en passant par Alger, et la quête de vérité d’un grand frère à la recherche d’identité.
Un film tiré d’une histoire vraie
Le long-métrage met en scène l’histoire personnelle du réalisateur, qui a perdu son frère Jallal lors d’un bahutage à Saint-Cyr. Il raconte en effet qu’en tant que réalisateur, « on prend quelque chose qu’on connaît et qu’on a ressenti, et on essaie de le traduire en langage cinématographique ». Quand l’intervieweur demande ce qui est réel ou non, le public rit à la remarque du réalisateur : « Comme vous le savez, je ne suis pas boulanger », sourit-il. « Je me sens comme un artisan dans le cinéma donc j’ai essayé de traduire pleins d’éléments de manière à ce qu’on ne se pose pas de question ». Ainsi, le père des deux garçons n’était pas gendarme, mais médecin : « je voulais expliquer qu’il était lié à son pays, voulait nous protéger et avait le sens du devoir ». « J’ai transformé la réalité pour simplifier des idées et des thèmes que j’avais à aborder dans le film », conclut-il.
« Une démarche sincère »
Le réalisateur explique ensuite qu’il ne voulait pas raconter cette histoire comme quelqu’un d’autre l’aurait fait : « la presse l’avait déjà fait, a parlé du fait divers. Par contre, ils n’ont pas raconté les personnes derrière le fait divers ». Il explique que personne n’avait jamais raconté la bataille de la famille pour les funérailles de son frère : « Si on enterre quelqu’un sans honneur, ça veut dire que ce n’est pas notre faute », raconte-t-il : le faire, c’est « en prendre la responsabilité ». Il explique : « J’ai voulu faire un film avec quelque chose de lumineux et d’universel, pour que les gens puissent avoir un moment pour eux ». Une spectatrice lui glisse : « C’est réussi ! ».

Un long-métrage en trois mouvements
Le réalisateur explique que le film a été construit en trois mouvements. Il expose : « On vit dans une époque très polarisante. J’avais besoin de faire preuve de nuance » et « d’accorder la juste place aux gens », autant pour la famille Saïdi que pour l’armée française. Le premier mouvement, en Algérie, raconte d’où les frères viennent et « la raison de l’engagement d’Aïssa ». Le deuxième se déroule à Taipei : le réalisateur raconte qu’il avait déjà promis à son frère de réaliser un film sur leur « aventure ». Il explique que ce mouvement est très important car il met en scène deux personnages qu’on associe souvent à de nombreux clichés sur les banlieues et qu’on « voit dans un univers complètement différent ». « La première fois que j’ai vu mon petit frère parler mandarin, j’ai vu 25 ans de clichés sur les banlieues et les milieux populaires s’effondrer », partage-t-il.
Les impression de Karim Leklou
« J’ai rencontré Rachid sans savoir qu’il préparait un film, raconte l’acteur, on a parlé de pleins de sujets ‘inintéressants’, notamment le foot ». Ce n’est qu’après qu’il a découvert le projet de film : « Quand j’ai vu le scénario, j’ai été très marqué, j’ai trouvé l’objet scénaristique très beau ». Un film qui raconte, pour lui, « quelque chose de très puissant sur ce pays » et montre « que les classes populaires peuvent aussi avoir accès à un débat moral, philosophique ». Les spectateurs, ravis, complimentent Karim sur l’expressivité de son regard, la « marque d’un grand », selon un spectateur.

Les spectateurs les remercient ou complimentent, certains saluent la subtilité du long-métrage, d’autres ont les larmes aux yeux ou la voix qui flanche, comme cette festivalière, qui partage : « J’ai été émue par ce film… parce que c’est l’histoire de deux frères qui s’aiment ». En réponse, les deux hommes sortent touchés de cette rencontre : « Je vous remercie beaucoup Arras », partage le réalisateur, « ça fait chaud au cœur ».
« Pour la France » sort en salle le 15 février 2023. Voici 5 raisons d’aller le voir :
- Un scénario de grande qualité avec un équilibre entre trois mouvements.
- La prestation des acteurs, notamment celle de l’émouvant Karim Leklou (Ismaël), de la digne Lubna Azabal (la mère) et de Shaïn Boumedine (Aïssa).
- La réalisation du film avec une réelle qualité de l’image et des scènes.
- L’émotion, avec un film qui s’attarde aussi, dans ses détails sur la quête d’identité du grand frère, le fils « décevant ».
- La dimension nuancée du long-métrage, qui ne plonge pas dans les clichés d’une vision caricaturale de la banlieue.
Ranim Larbi