Arras Film Festival 2022 : Rencontre entre les festivaliers et le réalisateur slovaque Michal Blasko

A la suite de la projection du film Victim, les festivaliers de l’Arras Film Festival ont eu l’honneur de poser quelques questions à son réalisateur Michal Blasko dans le cadre de la Compétition Européenne 2022.

Synopsis : Irina, une mère célibataire originaire d’Ukraine, vit avec son fils Igor (13 ans) dans une petite ville frontalière tchèque. Une nuit, elle découvre qu’Igor a été attaqué par trois agresseurs et son monde s’écroule. Lorsqu’il se réveille, il affirme que les agresseurs étaient des Roms. Au fil du temps, elle commence à déceler des incohérences dans les versions de son attaque. Parallèlement, la société s’émeut de l’histoire d’Igor et bientôt, l’affaire sert de prétexte pour une violente campagne politique néo-nazie.

Comment avez-vous réussi à doser la sympathie et l’antipathie que la mère peut provoquer ?

« En fait, tout ce que fait la mère, elle le fait pour son fils et pour l’amour qu’elle lui porte. Du coup, on comprend bien que le personnage n’est pas une mauvaise personne. En réalité, elle est comme chacun d’entre nous dans cette salle : elle fait tout le temps du mieux qu’elle peut, et même si ça n’est pas toujours bien et que ses actions ont de lourdes conséquences, elle a un bon fond et ne souhaite que le bonheur de tout le monde. En fait, on peut être énervé contre la mère mais on ne peut pas la détester en soit, car on sait qu’elle fait du mieux qu’elle peut face à la situation à laquelle elle est confrontée. »

Dans le film, on remarque qu’il y a beaucoup d’immigrés ukrainiens présents en République Tchèque, et que ces immigrés sont victimes de beaucoup de xénophobie. Puisque le scénario du film a été écrit avant la guerre en Ukraine, comment expliquez-vous ce phénomène ?

« En 2018, Prague a fait un sondage pour savoir quelle minorité ethnique était la plus détestée. Ce sont les ukrainiens qui sont arrivés en tête de liste, et c’était choquant. En fait, les ukrainiens partent vers la République Tchèque pour travailler, et ainsi la population tchèque accuse les ukrainiens de voler leur travail (ce qui n’est pas vrai : ils font les métiers qu’aucun tchèque ne veut entreprendre). Cependant, il est vrai que suite à la guerre en Ukraine qui a débuté en Février, la vague de haine a pendant un certain temps diminué : tout le monde était épris d’un sentiment de solidarité et voulait aider les réfugiés…mais plus le temps passe, plus la population tchèque perd patience. »

« La communauté tzigane est également victime de nombreux préjugés : il ne sont pas appréciés parce qu’ils ne travaillent pas, mais la République Tchèque ne leur propose pas d’emploi. C’est un véritable cercle vicieux qui met sous les feux des projecteurs les problèmes dans le système politique tchèque : le gouvernement doit faire quelque chose, parce que ce sont toujours les minorités qui sont accusées de quelque chose. D’ailleurs, malgré le fait que je sois slovaque, nous avons tourné le film en République Tchèque car l’opinion qu’a la Slovaquie envers les tziganes est nettement différente de celle des tchèques, notamment parce que les immigrés s’arrêtent rarement en Slovaquie ; c’est davantage un pays transitaire de l’Est vers l’Occident. Si le film avait été situé en Slovaquie, la population n’aurait tout simplement pas compris pourquoi les habitants auraient un comportement xénophobique. » 

A certains moment cruciaux du film, l’on peut ressentir une pointe d’ironie…était-ce voulu ?

« Quand on vit en Slovaquie ou en République Tchèque, on doit savoir être ironique, sinon on survit pas ! (Rires) Même des situations très sérieuses et graves peuvent apparaître sous un angle ironique. Par exemple, tous les 3-4 jours à Prague, il y a une manifestation contre la guerre en Ukraine, puis quelques jours plus tard il y en a une pour la guerre menée par Poutine. C’est ridicule et complètement absurde. En réalisant ce film, l’équipe et moi ne voulions pas être moralisateurs et dire distinctement aux gens ce qui était bien ou ce qui était mal. Ainsi, l’utilisation de l’ironie s’est montrée très utile. »

Pourquoi avoir choisi « Victim » comme titre de votre film ? Et pourquoi au singulier alors qu’il semble y avoir plusieurs victimes ?

« En fait, je voulais être spécifique. Au début du film, il y a une certaine victime, puis il y en a une autre et une autre…mais chaque partie du film se concentre (explicitement ou implicitement) sur une seule victime en particulier, d’où mon choix de mettre au singulier le titre du film. Je ne voulais pas généraliser la victime ou être trop global : chaque situation donnée change le point de vue du spectateur sur qui est la victime. »

« De plus, la signification de victime en Slovaque a deux significations : victime ou sacrifice. Je trouvais que cet équivoque allait très bien avec l’histoire du film. »

Ce film est-il inspiré d’un fait réel ?

« Non, il n’est pas inspiré d’un fait réel mais de plusieurs faits réels. La trame principale est fictive, mais certaines parties de l’histoire sont basées sur de véritables évènements qui se sont déroulés à travers l’Europe, notamment la médiatisation d’une telle affaire, la tournure politique qu’elle peut prendre, les protestations qui s’ensuivent généralement et l’ampleur nationale que prennent alors les évènements. »

En espérant que le film reçoive un bon classement dans la Compétition Européenne…à 2023 dans les salles de cinéma françaises !

Propos recueillis et traités par Claire Moncomble-Malone


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